Dans le cadre du suivi citoyen de l’exécution de la loi finance 2022, l’observatoire de a dépense publique a suivi le débat engagé entre le Président de la commission électorale nationale indépendante et le Ministre des finances au sujet des fonds décaissés pour les opérations électorales en République démocratique du Congo, entre décembre 2021 et février 2022. Plus récemment le Président de la CENI et ses services se sont plaint de n’avoir reçu aucun décaissement depuis octobre 2022, qu’en est-il réellement ?
De la situation de décaissement
- Depuis l’entrée en fonction du nouveau bureau de la CENI (fin octobre 2021 à Janvier 2022, le trésor public a décaissé 212 milliards de FC, soit 104,2 millions de dollars, dont 90% couvrant les dépenses de fonctionnement. Pourtant le ministre des finances a annoncé le 15 février 2022 une mise à disposition de fonds de 37 millions $. Entre le versement annoncé par le ministre des finances et ceux retracés par le ministère du budget, ODEP avait constaté un écart de 67,2 millions de dollars, dont la destination reste à démontrer par les acteurs du circuit de la dépense ;
- ODEP avait alors noté que l’absence d’un plan de décaissement et d’un débat public au parlement restent un handicap majeur pour une gestion orthodoxe des fonds affectés aux opérations électorales. A titre d’exemple, sur base de quel chronogramme le Ministre des finances a décaissé 21 millions de dollars le 11 février 2022 ?
- A l’époque nous constations que l’achat des véhicules des membres de la CENI violait l’article 6 de la loi relative aux marchés publics. La surfacturation révélée par le Ministre des finances est une conséquence de l’absence de planification et de contrôle a priori. Comment a-t-il ordonné le paiement sans disponibilité des crédits budgétaires, sans appel d’offre, … ? Pire encore la passation dudit marché par une procédure opaque a été effectuée par le BCECO. Ce comportement du Ministre des finances voulant soumettre la CENI sous tutelle du BCECO violait le décret du 28 décembre 2010 portant création, organisation et fonctionnement de la cellule de gestion des projets et des marchés publics au sein de la CENI ;
- Par ailleurs, ce recours au BCECO pour effectuer des marchés de la CENI en lieu et place d’une cellule des marchés publics créée au sein de l’organe électorale était un facteur déclencheur des retro commissions, surfacturations, conflit d’intérêt dans le processus d’acquisition du matériel électoral…
Rappelons que c’est le BCECO, qui a monté tous les marchés sous Corneille NAANGA de triste mémoire, aujourd’hui sans honte ni gène, candidat Président de la République.
De la crédibilité des prévisions budgétaires des opérations électorales
- D’après les éléments recueillis auprès du gouvernement, la CENI avait sollicité un décaissement de 642 millions de dollars pour entamer les activités électorales en 2022 alors que les crédits prévus dans la loi des finances étaient de 250 millions. Soit 392 millions de plus qui ont été intégrés à la loi des finances 2022 par quelle procédure ; en dehors d’un collectif budgétaire ? On est là en pleine violation de la loi des finances 2022 et de la Lofip. L’ODEP se dit surpris par cette demande, irrationnelle, d’autant plus que la RDC est à son quatrième cycle électoral. En 2018, 52%, du budget des opérations électorales couvraient l’acquisition des matériels et la quincaillerie électorale. Ce qui existe déjà, d’après le rapport du processus électoral 2012 à 2019.
- Nous estimons que le budget actuel ne devrait pas dépasser 600 millions de dollars pour couvrir les élections présidentielles, législatives nationales et provinciales, même si on y ajoutait la révision du fichier électoral, évalué à près de 70 millions de dollars, si on s’en tient au budget présenté en 2015 pour couvrir les mêmes besoins. Selon les données recueillies auprès du cabinet du Ministère des Finances il y a une semaine, sur les 642 millions sollicités en violation des lois, un décaissement d’environ 480 millions a déjà été effectué. Un reliquat de 142 millions reste à effectuer en plus d’environ 400 millions sollicités en 2023. Le processus total va coûter plus d’un milliards de dollars, comme si le pays n’était pas sinistré et n’avait pas une guerre atroce à gérer. Le coût exagéré des besoins non vérifiés et approuvés par les institutions supérieures de contrôle vise des objectifs de détournements, des retro-commissions et autres pratiques d’enrichissements illicites que les besoins d’organiser un processus électoral transparent, crédible et apaisé.
- La procédure de mise à disposition des fonds favorise le manque de transparence préjudiciable à la crédibilité même du processus électoral. Avec un financement opaque, quelle transparence devrons-nous espérer de ce nouvel old up électoral qui se profile à l’horizon.
Face à cette situation, l’ODEP constate que le financement du processus électoral est en danger. La course à l’enrichissement illicite, les mauvaises pratiques décriées sous Corneille Naanga ont refait surface. Le pays n’est pas sorti du vieux démon des élections business. Pour éviter le pire, l’ODEP recommande :
Au premier Ministre de :
- Prendre des mesures nécessaire pour garantir à la CENI la jouissance effective de l’autonomie financière conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi organique n° 10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la commission électorale nationale indépendante telle que modifiée à ce jour ;
- Présenter au parlement un collectif budgétaire à chaque fois que des besoins de la CENI non évalués apparaissent ;
Au ministre des finances d’exiger un plan de décaissement avec chronogramme d’activité avant tout décaissement ;
A la CENI de publier un budget détaillé des opérations électorales assorties d’un plan de décaissement et d’utilisation des fonds reçus pour faciliter le gouvernement à financer le processus électoral ;
Aux organes de contrôle (Inspection générale des finances et cour des comptes) d’initier un audit complet de la CENI depuis les premiers décaissements jusqu’à fin octobre 2022. La présence pertinente des brigades financières de l’IGF à la CENI s’impose.
A la société civile de doubler de vigilance, de continuer sans relâche le contrôle, de continuer à éduquer et sensibiliser la population
A la population de s’organiser et se prendre en charge pour faire barrage à une réédition d’un nouvel old-up électoral
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