Projet éducatif de décolonisation mentale et culturelle pour les congolais : Un grand débat prioritaire pour la Conférence Nationale sur la Reconstruction et l’émergence de la RDC
INTRODUCTION
Dans quelques jours nos enfants vont rentrer à
l’école. Le contexte dans le secteur de l’éducation depuis plusieurs années est caractérisé par les violentes crises des étudiants, les mesures sur la gratuité de l’enseignement de base qui ont créé aussi une série des débats et crises chez certains groupes d’enseignants, bref, le problème fondamental semble se situer au niveau des politiques publiques de l’éducation menées depuis 63 années qui ont fait faillite.
Pour mettre fin durablement à toutes ces crises, il aurait été très important que le Président de la République convoque dès les premiers mois de l’année 2019 les états généraux de l’éducation. Le document
présent propose un bref diagnostic de notre système éducatif, un effort de définition de ce que pourrait être un projet éducatif national, quelques
grandes réformes indispensables, quelques mesures immédiates à prendre et enfin
l’épineuse question du financement de l’éducation.
Par cette réflexion, nous voulons apporter une
contribution aux travaux de la conférence nationale sur la reconstruction et
l’émergence de la RDC dont l’éducation sera un grand atelier.
Le problème fondamental étant celui de la remise
en question de 63 années du projet éducatif colonial et néo-colonial et la
réflexion à entreprendre pour construire un projet éducatif de décolonisation
mentale et culturelle afin de créer les conditions du développement
indépendant, autocentré et autodéterminé de notre Congo.
A. BREF
DIAGNOSTIC ET DÉFINITION DU PROJET ÉDUCATIF NATIONAL
1. Les origines de l’école congolaise :
le projet éducatif colonial
L’école européenne a été instaurée en RDC, en
1890. Elle marquera le début du processus d’acculturation qui est une
composante essentielle du projet colonial : il faut intégrer
progressivement l’indigène aux valeurs de la « civilisation ». Dès
1906, la convention établie entre le Saint-Siège et l’Etat indépendant du Congo
confie à tout établissement de mission catholique la charge de créer une école
où les indigènes recevront l’instruction. Il faut former, pour le nouvel Etat
colonial, des agents subalternes efficaces et dévoués, chez qui il faut
inculquer l’amour de la métropole et la sympathie pour l’entreprise coloniale.
Le projet éducatif se caractérise par la mise en vedette de traits culturels à
favoriser, à imposer aux colonisés et à intégrer progressivement dans leurs
coutumes comme dans leurs comportements : une éthique de l’autorité avec
comme référence pertinente le pouvoir de Dieu, celui du colon, celui du chef
reconnu par les colons, une réorganisation de l’espace mental du Congolais.
En juillet 1890, le Roi des Belges par un décret
décide de la création des colonies d’éducation. Il faut créer progressivement,
dit le décret, deux forces pour la mise en valeur et la construction du
Congo : une armée constituée de Congolais dressés à servir les idéaux du
pouvoir colonial, d’où seront issus par ailleurs des nombreux dirigeants
congolais des années 60 et, d’autre part, la formation des hommes capables de
contribuer à la maîtrise du territoire et à son exploitation. Il s’agit donc de
privilégier une instruction utilitaire susceptible de conduire les jeunes
congolais pris en main à une technicité manuelle ou professionnelle rentable
pour le jeune Etat colonial.
Quand on examine les programmes de l’école
rurale, celle-ci est orientée en vue d’asseoir les bases de l’ordre colonial,
de concert avec les Missions catholiques.
Les causeries générales et les leçons d’intuition sont, les leçons les
plus importantes du programme. Pour les promoteurs de cette école, l’enfant
acquiert dans le milieu où il vit, à côté de quelques notions exactes, une
foule de notions fausses et aberrantes. Ainsi l’enseignement a un objectif
avoué : il s’installe comme cadre de conversion des esprits.
Le niveau de l’enseignement lui-même, comparé à
celui de la métropole, était très bas, les structures scolaires étant conçues à
la mesure de l’ignorance supposée des nègres.
C’est seulement en 1954 que le ministre libéral
belge de l’époque introduit l’école laïque au Congo et préconise l’ouverture de
lycées et collèges dont les programmes seront en tout point identiques à ceux
de la métropole. Dès 1956, d’importantes corrections sont apportées aux
programmes d’enseignement. En 1958, on s’achemine vers l’instauration au Congo
d’une nouvelle structure de l’enseignement. L’Université Lovanium est créée en
1954, l’université officielle du Congo sera créée elle en 1956.
Cette évolution ne peut masquer le projet
éducatif lui-même : l’établissement d’une école européenne au Congo marque
un nouvel ordre culturel conforme à la vitalité d’une nouvelle perspective
historique. Le congolais est préparé à contribuer à l’érection d’un nouvel
ordre social et culturel. L’école est un lieu de conditionnement.
2. 63 années d’une école néo-coloniale
A la veille de l’indépendance, l’Université
Lovanium met à la disposition du futur nouvel Etat sept diplômés en sciences
économiques et sociales, un psychopédagogue et un agronome. Des nombreux cadres
belges quittent le pays qui traverse une crise politique grave dès le lendemain
des festivités de l’indépendance. Dans ce contexte, la priorité pour le nouveau
pouvoir est de former vite des nouveaux cadres. Il faut former des cadres pour
accélérer le développement du pays. Mais cette formation se révèle une continuation
de l’ancien système. Sans projet politique d’indépendance réel, l’éducation n’a
pas d’objectifs clairement définis. L’erreur ici a été de croire qu’éducation
rime automatiquement avec développement. Mais quelle éducation, pour quel
développement ?
Sans doute, l’enseignement intervient dans le
développement comme une des variables à combiner et à intégrer avec d’autres
facteurs qui, en RDC, n’ont pas été favorables au développement :
–
les effets de la
domination impérialiste coloniale sur la RDC ;
–
la caste au pouvoir
est économiquement, culturellement et politiquement dépendante des pays
industrialisés ;
–
les organisations
internationales qui interviennent sans cesse dans la vie économique et sociale
de la RDC, dont les objectifs sont conçus en fonction des conditions et des
intérêts des pays riches et exécutés par un corps des « experts »
contrôlés par eux. L’action de ces organismes peut à la limite déstabiliser et
désarticuler complètement la société qui reçoit cette aide : le FMI a
conseillé le licenciement de 40.000 enseignants en RDC en 1984. Un tel procédé
dans un pays majoritairement analphabète laisse perplexe.
Dans ce contexte général, après 63 années, le
système éducatif congolais dégage un bilan catastrophique :
–
le manque d’un véritable
projet national d’éducation pour le développement, corolaire d’un projet global
d’un développement endogène ;
–
un accroissement des
effectifs des élèves sous la pression de la demande et de la poussée
démographique ;
–
une augmentation
parallèle du nombre des enseignants ;
–
une infrastructure
qui se dégrade de plus en plus, de moins en moins suffisante par rapport à la
demande, une pénurie quasi permanente de moyens financiers et de matériels
pédagogiques ;
–
la baisse de la
qualité de l’enseignement due aux causes ci-dessus, mais aussi à l’inadaptation
des programmes et l’insuffisance de qualifications, la démobilisation et la
démotivation des enseignants.
Des organismes privés, des confessions
religieuses plus ou moins connues et les consulats de certains pays étrangers
suppléent les carences de l’Etat et organisent des enseignements qui malgré
leurs qualités, possèdent quatre caractéristiques inquiétantes :
–
l’insuffisance du
contrôle de l’Etat dans la formation d’une partie de sa jeunesse ;
–
ceux-là même qui
devaient améliorer la qualité de l’enseignement en RDC y placent leurs enfants,
moyennant d’importants efforts financiers ;
–
l’implantation de ces
écoles dans les grandes villes contribue à la formation d’une «élite»
appartenant aux familles qui possèdent le pouvoir politique et financier ;
–
le caractère
extraverti de la formation n’intéresse que le pays qui finance ;
–
la libéralisation
sauvage de l’éducation ayant occasion l’anarchie dans la gestion du secteur
éducatif.
Ecoles congolaises ou écoles consulaires et
confessionnelles, ces écoles jusqu’à ces jours contribuent avant tout à
reproduire la dépendance vis-à-vis des modèles importés. Les valeurs communes
et les besoins réels de la collectivité nationale ne sont pris en considération
que comme des négatifs dont les originaux se trouvent ailleurs.
3. Redéfinition du rôle de l’école dans la
société congolaise de demain et impératifs
Mettre fin à la crise de l’éducation et à la
faillite des politiques publiques dans ce secteur c’est d’abord redéfinir le
rôle de l’école dans la société
congolaise. Depuis plus d’un siècle, l’école congolaise est la principale voie
de promotion sociale, le diplôme a été et est encore la base du succès dans un
pays où les possibilités d’épargne ou d’accès aux capitaux, nécessaires pour
devenir chef d’entreprise par exemple, sont difficiles. L’illusion que le
développement économique était synonyme du développement de l’enseignement
s’était imposée depuis 1960 d’autant plus facilement qu’elle était une réaction
contre l’idéologie et la pratique coloniales (8 diplômés d’université en 70
ans).
Sur le plan des conditions économiques
objectives, la logique d’une économie extravertie, dont le surplus économique
est pompé par les pays riches, avec un marché étroit, sans capitaux nationaux
suffisants, limite les possibilités de création d’une véritable bourgeoisie
économique nationale, capable de créer les richesses, d’enrichir l’Etat et donc
de lui donner les moyens de financer l’école, mais aussi de créer les emplois
afin d’absorber les cadres formés par cette école. Comment, dans ce contexte,
redéfinir le rôle de l’école chez nous pour en faire une école pour le
développement ?
Former pour le
développement endogène devra être, former le Congolais à l’autonomie tant
politique, économique que socio-culturelle. C’est former les hommes de telle
sorte que leur créativité sociale soit renforcée et fortifiée. C’est rendre les
hommes capables d’assumer la responsabilité de la progression de leur propre
niveau de vie, de l’élévation de leur niveau de conscience. L’école nouvelle
doit doter le pays des hommes capables de contribuer à la maîtrise du
territoire nationale, à sa mise en valeur pour une croissance soutenue, durable
et équitable.
L’école nouvelle doit
s’installer comme l’antithèse de l’école coloniale et néocoloniale, elle doit
s’installer comme cadre de libération des esprits et de désaliénation. Elle
devra être celle qui répond de manière conséquente aux besoins réels de développement
endogène.
L’école nouvelle doit
marquer en RDC un nouvel ordre politique, économique et socio-culturel,
conforme à la vitalité de la nouvelle perspective qui a pour contour :
démocratie, développement endogène et durable, Etat de droit, respect des
droits de l’homme, décentralisation, dynamique de services publics et combat
pour l’unité africaine.
Les structures de l’enseignement, les
programmes, les contenus de cours, la formation des enseignants, les méthodes
pédagogiques, le calendrier scolaire, le matériel didactique doivent être
conçus en fonction de ce projet éducatif nouveau.
La réussite de la nouvelle politique de
l’éducation dépend aussi d’une série de préalables pratiques sans lesquels la
répétition des travers que nous condamnons reste toujours possible :
1) Un Etat laïc, seul formateur du citoyen, définit
les programmes, organise l’enseignement
et sanctionne les études. Il peut conformément à la législation en vigueur,
confier à des organismes privés ou des confessions religieuses la gestion des
écoles ;
2) Une véritable décentralisation devra faire
respecter les mesures et les décisions de ceux qui travaillent sur le terrain,
au niveau des circonscriptions locales ;
3) Les conditions d’hygiène et d’alimentation des
enfants doivent être réunies pour la réussite de toute formation ;
4) Nos écoles doivent être inclusives et
sécurisées : « il s’agit des écoles dont le personnel enseignant a
signé le code 22 de bonne conduite du personnel enseignant considéré comme la
norme et qui dispose d’un comité de Mécanisme de Gestion des Plaintes, avec un
point focal en charge des violences basées sur le genre.
5) Une volonté politique qui puisse définir les
conditions de réaménagement d’un espace linguistique dans lequel toute la
population peut trouver des outils de communication adéquats qui facilitent les
échanges entre ses membres et l’acquisition des connaissances. Ce choix d’une
nouvelle ou de nouvelles langues d’enseignement n’implique pas la disparition
des locuteurs et des études en langue française, mais l’instauration d’une
nouvelle distribution linguistique destinée à ouvrir d’intéressantes
perspectives d’apprentissage d’autres langues internationales.
B. LES
GRANDES REFORMES
1. Revitalisation et universalisation de
l’enseignement de base
L’objectif d’un enseignement de base pour tous
doit être retenu. Cet objectif ne concerne pas seulement l’augmentation des
effectifs scolaires, qui est un objectif à long terme, mais d’abord la qualité
de l’enseignement qui est un objectif immédiat.
L’enseignement de
base doit être orienté non seulement vers l’acquisition efficace d’une identité
propre, mais aussi vers la fourniture d’une réponse aux besoins économiques,
sociaux et de développement d’ensemble. L’enfant doit savoir qu’il vit dans un
pays sous-développé, qui a à faire face à certaines contraintes internes et
externes, il doit être entraîné à donner des réponses à ces problèmes en
partant déjà de problèmes qui sont liés à son environnement politique,
économique et socio-culturel immédiat.
Pour améliorer la qualité de l’enseignement de
base, et lui faire jouer son rôle tel que nous le définissons, il faudra :
–
relever le niveau de
compétence professionnelle des enseignants ;
–
surveiller la qualité
des écoles et s’assurer que les élèves acquièrent effectivement des facultés
cognitives et n’ont pas simplement des connaissances apprises de mémoire ;
–
veiller à ce que les
programmes et le matériel pédagogique soient adaptés à l’environnement
congolais ;
–
étudier les
conditions optimales de l’utilisation des langues locales dans
l’enseignement ;
–
promouvoir la mise en
place d’infrastructures opérationnelles.
Si l’amélioration de la qualité
de l’enseignement est primordiale et représente la priorité immédiate, à long
terme nous devons augmenter les effectifs, notamment ceux des filles. On ne
connaît pas le taux de scolarisation par sexe en RDC, mais si l’on se réfère à
la moyenne africaine que donnent les statistiques internationales, les filles
ne représentaient il y a quelques années que 44% des effectifs du primaire, 34%
de ceux du secondaire et 21% de ceux du supérieur. Les probabilités d’abandon
d’études sont plus grandes pour les filles que pour les garçons, en partie
parce qu’on a besoin d’elles pour les travaux ménagers et qu’elles sont
facilement abandonnées à la rue. L’analphabétisme est beaucoup plus répandu
parmi les femmes (assujettie au modèle culturel dominé par l’homme).
L’inégalité des sexes devant
l’éducation coûte cher. Il est prouvé que l’éducation de la mère peut être l’élément
le plus déterminant pour la santé, et la nutrition de la famille et que
l’instruction renforce la productivité agricole, elle peut faire baisser la
fécondité soit directement soit en faisant mieux connaître aux femmes
l’existence de la contraception, soit directement en réduisant la demande
d’enfants puisque les femmes par une activité économique plus grande, verront
s’ouvrir à elles des possibilités accrues de revenus ou en reculant l’âge du
mariage et en réduisant, de ce fait, le nombre d’années où la femme est en âge
de procréer.
Améliorer la qualité de
l’enseignement de base et accroître les effectifs, c’est consacrer un
pourcentage plus important du P.I.B au secteur de l’éducation et accroître
graduellement la part de l’enseignement de base dans le budget de l’éducation.
On peut en attendant plus des
moyens, mieux utiliser les ressources actuelles en améliorant par exemple le
système actuel de classe à double vacation, en réaménageant l’année
scolaire : gagner 2 années en organisant un enseignement utile et efficace
de sorte qu’en un semestre un contenu d’un enseignement de qualité, dépouillé
de tout l’héritage des matières inadaptées, soit donné à l’élève au lieu d’un
an. Et puis en redoublant l’élève perd 6 mois au lieu d’un an. L’utilisation de
la radio et de la télévision peut permettre d’enrichir l’environnement scolaire
et améliorer la qualité de l’enseignement.
Les abandons et les redoublements
font augmenter le coût de la formation par élève qui termine l’école primaire.
Dans bien des cas, les phénomènes sont dus aux incapacités mentales causées par
une mauvaise nutrition. On devra développer des interventions appropriées,
comme des programmes de repas scolaires bien ciblés, ces programmes pourraient
améliorer l’aptitude à apprendre et réduire les taux d’abandon ou de
redoublement.
2. L’enseignement
secondaire : Développer la rigueur de la pensée, l’esprit de décision et
l’imagination créatrice
A ce niveau, les objectifs d’une
éducation à l’autonomie, à la compréhension des problèmes qui se posent dans le
pays et l’entrainement à y donner des réponses doivent être renforcés, poussés
plus loin qu’au niveau de l’enseignement de base.
Par ailleurs, la consolidation
des connaissances va de pair avec la maturation de l’enfant : l’élève doit
faire preuve des capacités en communication et en expression écrite et orale.
L’enseignement devra entraîner les adolescents à des techniques et à des méthodes
qui les habituent à l’observation et à l’exploitation raisonnée des formations,
à l’organisation de leurs résultats, à l’appréciation critique de leur valeur,
à l’intégration dans un pays de développement.
Combinant analyse et synthèse,
les enseignements au niveau secondaire devrait aider à développer la rigueur de
la pensée, l’esprit de décision, l’imagination créatrice. Cette formation, bien qu’intellectuelle
permettra l’exercice des capacités pratiques, l’affinement de la sensibilité et
le renforcement du sens de la responsabilité.
L’enseignement secondaire reçoit
beaucoup de demandes d’accès venant de l’enseignement de base, elles sont sans
cesse croissantes. Dans ce domaine comme au niveau de l’enseignement de base,
l’expansion ne doit pas prendre le pas sur l’amélioration de la qualité.
La plupart des mesures
préconisées sur l’enseignement de base sont applicables au secondaire
concernant les enseignants, la surveillance de la qualité des écoles, la
réforme des programmes, etc…
3. Enseignement supérieur,
formation professionnelle et préparation
à l’emploi : L’exigence de l’excellence
Pour survivre et faire face à la
concurrence dans le monde moderne, notre pays aura besoin non seulement des
citoyens qui sachent lire, écrire et compter, mais aussi des spécialistes
hautement qualifiés et compétents pour faire de la recherche de haut niveau,
formuler les politiques et mettre en œuvre des programmes. Les établissements
d’enseignement supérieur doivent pouvoir être en mesure d’assurer, pour un coût
qui soit et qui demeure en rapport avec les moyens du pays, une formation dans
les domaines universitaire et professionnel adaptée au divers environnement de
travail en RDC.
Une des premières grandes
réformes pourrait être la création des écoles de formation et de
perfectionnement de cadres (E.F.C). A court terme, une par province ou région
et, à moyen et long terme, plusieurs en fonction de la demande. Ces écoles
formeront des animateurs du développement à côté des écoles techniques
traditionnelles. On y trouvera des filières en rapport avec la gestion et la
promotion des P.M.E, la gestion des services publics, la gestion des pôles des
santés primaires, les animateurs ruraux et agricoles, les cadres moyens des
unités d’entretien et de réparation des routes.
A moyen terme, il faudra créer
autant d’universités qu’il y a de provinces avec au moins les facultés
d’agronomie, les sciences des ingénieurs, les sciences naturelles, la gestion
macro et micro économiques, la médecine, la gestion des services publics et le
droit.
a)
L’enseignement supérieur en général
Les connaissances scientifiques
et technologiques sont en train d’ouvrir des horizons entièrement nouveaux en
dehors de la RDC et du continent africain en général. Nous devons mettre en
place dans nos universités quelques programmes de troisième cycle universitaire
de niveau mondial en sciences et techniques si nous voulons avoir accès aux
nouvelles frontières de la science et de la technique.
Notre situation actuelle nous met
en incapacité de nous préparer à profiter de l’expansion des frontières de la
connaissance. Notre enseignement supérieur se caractérise par un ensemble
incongru de filières, une surproduction de diplômés de qualité inférieure et
des coûts élevés.
Malgré l’accroissement du nombre
de diplômés et du nombre des chômeurs diplômés, il n’y a pas assez des gens
qualifiés dans des domaines tels que les sciences, l’ingénierie et la
vérification des comptes, ainsi qu’aux échelons supérieurs de la comptabilité
et de la gestion. Le nombre de professeurs demeure insuffisant dans les
sciences, les mathématiques et d’autres domaines spécialisés. Il y a pléthore
de diplômes dans certaines disciplines et pénurie dans d’autres.
L’exode des cadres peut aussi
fournir une explication à la pénurie de techniciens de haut niveau. Cette
migration s’explique par la chute des revenus réels qui a rendu attrayantes les
rémunérations offertes outre-mer. D’autres facteurs sont les mauvaises conditions
de travail et l’instabilité politique. Il y a eu aussi une importante migration
des Congolais qualifiés en Afrique : au Gabon, en Côte d’Ivoire, au
Nigéria, Rwanda, etc… La RDC est devenue un des pays africains qui comptent
un grand nombre d’intellectuels sortis du pays pour des raisons
professionnelles et qui sont devenus des « mercenaires ».
Des mesures radicales s’imposent
afin d’améliorer la qualité, réduire les coûts par étudiant et par diplôme,
contenir les effectifs dans les filières qui ne favorisent pas le
développement.
A plus long terme, il faut
améliorer et maintenir cette qualité par la création de programmes d’excellence
pour les études du niveau troisième cycle et pour la recherche. En créant ce
genre de programme, notre pays offrira à ses meilleurs étudiants une
alternative intéressante aux études à l’étranger, et inciter les chercheurs des
universités à poursuivre leurs travaux au pays et par le fait même, on
s’attaquera au problème de l’exode des cerveaux. Par souci d’économie et de
qualité, ces programmes ou centres d’excellence devront être conçus dans un
cadre régional (Africain).
b)
La formation professionnelle
Dans ce domaine nous avons besoin
d’un cadre institutionnel cohérent.
Nous ne pourrions améliorer la
qualité de la formation professionnelle qu’en l’orientant vers la satisfaction
de la demande d’emplois, en intensifiant la participation des employeurs et en
renforçant la transition entre formation et emploi. La formule d’un
apprentissage complété par un enseignement théorique au dehors peut donner des
bons résultats. L’expérience, dans beaucoup de pays, montre que cette formule
convient aussi bien aux grandes entreprises qu’aux P.M.E.
Répondre à la demande d’emplois,
en promouvoir la création et assurer l’organisation optimale de la société est
la vocation essentielle de la formation professionnelle, y compris le Ministère
de l’apprentissage, et ce qui en assure la qualité. L’enseignement
professionnel doit entre-autres avoir pour tâche de regrouper et réformer les
écoles professionnelles et les centres de formation, de manière à ménager les
objectifs susvisés. La création des écoles pluridisciplinaires de formation de
cadres sera la clé de voûte de cette grande réforme. Une partie des coûts de la
formation devra être couverte par les employeurs qui envoient leurs agents en
formation. Ces écoles auront une vocation africaine, voire tiers-mondiste et
seront ouvertes à tous les ressortissants africains plus particulièrement les
pays voisins.
c)
Sciences, Technologie et Recherches
Le
système national congolais de recherche n’a donné aucun résultat. Ici et là, on
a créé quelques ilots de recherche moderne ne s’appuyant ni sur une large base
de techniciens qualifiés, ni sur un public informé capable de mettre à profit
les résultats éventuels de la recherche. En outre, nous manquons de techniciens
de niveaux intermédiaires qui puissent être le support des travaux
scientifiques et techniques.
Pour améliorer la qualité de la recherche, il
faudra une plus grande interaction entre ceux qui utilisent et ceux qui
produisent la technique, et un engagement résolu de l’Etat en faveur de la
science et de la technique. Créer un environnement propice et encourager
l’esprit d’entreprise devront améliorer les choses. Les entreprises privées
doivent être associés à la gestion des instituts de recherche dont le réseau
doit être intensifié.
L’efficacité à long terme de notre
infrastructure de science et de la technique sera fonction de l’engagement du
pouvoir de soutenir constamment les instituts nationaux et régionaux de
sciences et de technique animés d’un souci d’excellence et d’utilité pratique.
L’excellence doit s’obtenir selon un processus ascendant par l’amélioration de
la qualité et de l’utilité pratique de l’ensemble de notre système éducatif et
par la reconnaissance du rôle que doivent jouer nos universités dans la
formation des futurs enseignants, le rôle de chercheurs et celui des leaders
intellectuels au sein des universités.
Il n’y a pas de raccourci pour créer un environnement
propice à la recherche et à l’innovation. Cela exige aussi un appui continu de
la part des bailleurs de fonds étrangers. Ceux-ci devraient contribuer à
l’établissement de liens entre nos chercheurs et la communauté internationale
des hommes de sciences et de technique, cela aidera à surmonter leur isolement
et à renforcer la qualité de leur travail.
Nous devons viser trois niveaux :
–
la technologie de
pointe et son application au niveau des P.M.E et aux besoins des
villages ;
–
intégrer la science
et la technologie dans le développement en mettant en place des dispositifs
tripartites entre l’enseignement, la recherche et la prestation des
services ;
–
l’acquisition d’une
technologie intermédiaire moins coûteuse.
C. QUELQUES
MESURES IMMÉDIATES : CONVOQUER
D’URGENCE LES ÉTATS GÉNÉRAUX DE L’ÉDUCATION
1. Les programmes
La création ou la
réanimation d’un Centre d’Elaboration des Programmes. Le corps des inspecteurs
devra tenir compte, selon un calendrier précis, de trois éléments du programme :
Le programme prévu (le contenu du programme
d’enseignement ou la liste des objectifs pédagogiques) ; le programme
appliqué (ce que le maître enseigne dans la pratique) ; le programme
accompli (ce que les enfants apprennent réellement).
Le Centre d’Elaboration des Programmes veillera
aussi à l’étude comparée des programmes des pays étrangers et à lier de près
l’évolution des programmes à celle de la société. La priorité sera accordée aux
programmes scientifique et technique.
2. Les enseignants
Les conditions de travail : la
revalorisation des salaires, tout en veillant aux équilibres fondamentaux d’une
économique en pleine restauration et de revoir aussi les statuts qui régissent
leur travail.
Cette mesure est destinée à revaloriser l’image
de l’enseignant et à leur redonner cet enthousiasme perdu : créer un cadre
juridique et des facilités bancaires pour encourager la création des
coopératives, d’un centre d’assurance maladie et d’une caisse d’épargne.
La formation des maîtres : veiller à ce que
progressivement le niveau des enseignants soit post-secondaire (ISP et IST).
L’organisation systématique des stages des maîtres doit assurer une formation
pédagogique efficace.
3. Les
installations éducatives et les matériels didactiques
La remise en état des écoles existantes et la
construction de nouvelles écoles ; ce qui suppose la mise en place des
équipements (tableaux noirs, bureaux, matériels pour les expériences
scientifiques et à long terme des équipements audio-visuels), les installations
sanitaires, l’alimentation en eau potable, l’éclairage, la ventilation et les
équipements des salles de classe.
La gestion des écoles implique la formation des
chefs d’établissements mais aussi la motivation des enseignants, l’organisation
de l’emploi du temps, l’allocation et l’obtention des ressources financières.
Les enseignants doivent créer un cadre de travail et de consultation avec les
parents afin que l’école devienne une force positive et bien intégrée au sein
de la communauté. Le contrôle citoyen des comités de gestion des écoles
s’impose.
L’achat et la production des manuels scolaires.
L’instauration des bibliothèques et des centres
de documentation et d’information. Veiller à la formation des bibliothécaires (post-secondaire).
4. Le réaménagement du temps scolaire
Pour réussir la formation d’un élève, il faut
inclure dans son capital un volume temporaire indispensable à toute acquisition
des connaissances. C’est la distribution réfléchie de ce temps qui explique
l’aménagement du cursus, de l’année scolaire et des horaires quotidiens. Il est
nécessairement lié au volume du savoir dispensé et à la croissance de l’enfant.
On considère que ce temps scolaire est organisé
en tenant compte de l’histoire, de la culture, des saisons dans chaque pays du
monde. Cependant, le système actuel, servi par l’habitude, identique en Europe
et en Afrique (début septembre et fin juin ou juillet) ne doit pas faire
oublier son caractère extraverti, son origine imposée et son fonctionnement,
parfois, incompatible avec les traditions du pays. L’Etat, formateur, ne doit
pas éluder l’épineux problème d’absentéisme scolaire qui tire aussi sa source
de cette équivocité culturelle.
La coïncidence du temps scolaire avec les
cultures congolaises n’empêche pas l’attention qui doit être portée aux
expériences pédagogiques menées dans d’autres pays. On doit passer de
l’uniformité à un aménagement réfléchi du temps scolaire.
5. La création d’une ou des unités de contrôle
L’école rénovée ne pourra fonctionner que dans
un espace politique décentralisé où les initiatives des hommes comptent plus
que le diktat d’une administration tentaculaire et inefficace. Mais à tous les
niveaux et pendant de courtes périodes, des évaluations s’avèrent
indispensables pour le bon fonctionnement de tout le système. Les contrôles
seront réalisés par corps d’inspection : le corps de contrôleurs des
installations éducatives ; le corps de contrôleurs administratifs et
financiers, travaillant en collaboration étroite avec le Ministère des
Finances, le corps des inspecteurs
pédagogiques.
D. LE FINANCEMENT DE L’ECOLE CONGOLAISE
Lors de l’organisation du grand atelier consacré
à l’Ecole lors de la Conférence Nationale, on pourra examiner des financements
innovants mais qui ne pourront être que des compléments à la mobilisation des
recettes publiques par les régies financières.
Nous renvoyons ici le lecteur aux
recommandations faites par l’ODEP dans ses différents rapports pour
l’amélioration de la gouvernance budgétaire actuellement assise sur des
nombreuses faiblesses (voir le rapport de l’ODEP du 4 janvier 2021 sur le
contrôle citoyen de l’exécution du budget global et des dépenses publiques
pro-pauvres pour la période de 2017-2019, pages 69-71).
Une contribution du Mouvement
National pour la 2ème indépendance du Congo
Jean-Claude KATENDE Président de l’ASADHO |
Florimond MUTEBA TSHITENGE
Président du Conseil d’Administration de l’ODEP